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Le Conseil d’Etat renforce l’arme fatale de l’article 12.4.4 du CCAG Travaux  Maîtres d’œuvre, soyez vigilants !

Le Conseil d’Etat renforce l’arme fatale de l’article 12.4.4 du CCAG Travaux Maîtres d’œuvre, soyez vigilants !

Auteur : Jocelyn LONJOU
Publié le : 17/07/2024 17 juillet juil. 07 2024

Note sous CE, 7 juin 2024, Société Entreprise Construction Bâtiment n° 490468, aux Tables

Dans un de nos précédents articles[1], nous avions attiré votre attention sur le mécanisme du décompte général et définitif tacite prévu à l’article 12.4.4 du CCAG Travaux 2021 (qui reprend les mêmes termes que l’article 13.4.4 du CCAG Travaux de 2009 version 2014).

Pour mémoire, ces stipulations permettent au titulaire d’un marché public de faire naître tacitement un décompte général définitif en cas d’inertie du maître d’ouvrage qui ne notifierait pas le décompte général suite à la transmission par le titulaire du projet de décompte général.

 
Article 12.4.4 du CCAG Travaux

« Si le maître d’ouvrage ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l’article 12.4.2, le titulaire du marché notifie au maître d’ouvrage, avec copie au maître d’œuvre un projet de décompte général signé composé :

  - Du projet de décompte final, tel que transmis en application de l’article 12.3.1
  - Du projet d’état du solde, hors révision de prix définitive, établi à partir du projet de décompte final et du dernier projet de décompte mensuel, faisant ressortir les éléments de l’article 12.2.1 pour les acomptes mensuels
  - Du projet de récapitulations des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitif

Dans un délai de dix jours à compter de la réception de ces documents, le maître d’ouvrage notifie le décompte général du titulaire. Le décompte général et définitif est alors établi dans les conditions fixées à l’article 12.4.3.

Si, dans ce délai de dix jours, le maitre d’ouvrage n’a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif… ce décompte lie définitivement les parties. »
Nous avions alors particulièrement insisté sur rôle incontournable du maître d’œuvre qui doit – conformément à sa mission – faire preuve de vigilance et de réactivité pour préserver les droits du maître d’ouvrage car, rappelons-le, une fois définitif, le décompte général interdit au maître d’ouvrage toute réclamation à l’égard de l’entreprise.

Nous avions ainsi rappelé que le maître d’œuvre devait assister le maître d’ouvrage en :
 
  • vérifiant le contenu du projet de décompte général qui a été notifié par le titulaire,
 
  • et en portant une vigilance particulière sur le respect par le maître d’ouvrage du délai couperet de dix jours pour notifier le décompte général au titulaire.

Le Conseil d’Etat a rendu le 7 juin 2024[2] une décision qui illustre toute la pertinence et l’actualité de ce propos.

Dans cette affaire, une entreprise titulaire d’un marché de travaux avait mis en œuvre les dispositions de l’article 13.4.4 du CCAG 2009 applicables au marché en cause pour faire naître un décompte général et définitif tacite.

Mais ne parvenant pas à obtenir le règlement du solde de son marché en dépit du respect rigoureux des dispositions susvisées, l’entreprise avait été contrainte de saisir le juge des référés du tribunal administratif de Melun sur le fondement des dispositions de l’article R. 541-1 du Code de justice administrative pour obtenir le versement d’une provision correspondant au solde apparaissant sur ce décompte.

Alors que le juge des référés du tribunal administratif de Melun avait fait droit à sa demande, la Cour administrative d’Appel de Paris avait rejeté sa requête au motif qu’elle était irrecevable faute d’avoir été précédée d’un mémoire en réclamation prévu par l’article 50 du CCAG Travaux[3] dans sa version applicable au litige qui dispose en son article 50.1.1 que :
 
« si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation ».

Saisi du litige en cassation, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Paris en jugeant que la procédure de réclamation préalable n’était pas opposable à la demande de l’entreprise, de sorte que sa demande de provision était recevable.

Le Conseil d’Etat a ainsi posé :
 
« en l’absence de contestation possible du montant inscrit au solde du projet de décompte général après que celui-ci est devenu le décompte général et définitif tacite dans les conditions de l’article 13.4.4 du CCAG, la procédure de réclamation prévue à l’article 50 du même cahier ne saurait être applicable au titulaire se prévalant devant le juge d’un décompte général et définitif tacite ».

N’étant pas soumise à la procédure de réclamation prévue par le CCAG Travaux, elle était par suite parfaitement fondée à saisir directement le juge administratif pour obtenir le paiement du solde inscrit dans le décompte général et définitif tacite.

En conséquence, le Conseil d’Etat a condamné le maître d’ouvrage à verser à l’entreprise la totalité de la provision sollicitée.

Assurément, cette décision conforte l’effet utile du décompte général définitif tacite en dispensant le titulaire d’adresser un mémoire en réclamation dans le cas où, confronté à un refus de règlement du maître d’ouvrage, il déciderait d’aller au contentieux pour obtenir le paiement du solde de son marché.

Mais dans le même temps, elle renforce inévitablement le devoir de la vigilance qui pèse sur le maître d’œuvre qui ne peut en rien ignorer la démarche du titulaire puisqu’il rendu destinataire d’une copie du décompte général.  

En effet, dans le cas où le maître d’œuvre n’aurait pas accompli les diligences permettant de faire échec à la naissance d’un décompte général et définitif tacite, il ne pourra pas compter sur une procédure de réclamation préalable pour tenter se « rattraper » de ses éventuelles erreurs (surtout si l’entreprise a inclus dans son décompte des sommes auxquelles elle n’était pas en droit de prétendre...).

Les conséquences peuvent donc être lourdes pour un maître d’œuvre qui aurait été inattentif et sa responsabilité pourrait même être engagée par le maître d’ouvrage.

D’ailleurs, dans l’affaire commentée, le maître d’ouvrage avait appelé en garantie le maître d’œuvre en estimant que ce dernier n’avait pas accompli toutes les diligences qui lui incombaient pour faire obstacle à la naissance d'un décompte général et définitif tacite.

Le Conseil d’Etat est venu préciser que le préjudice dont le maître d’ouvrage est en droit de demander réparation correspond à l'éventuel surcoût induit par le décompte général définitif tacite par rapport à la somme qu'un décompte général et définitif établi contradictoirement aurait mise à sa charge.

En l’espèce, cette demande a néanmoins été rejetée, le maître d’ouvrage n’établissant « aucunement l’étendue ni même l’existence d’un tel préjudice ».
 
[1] « L’arme fatale de l’article 12.4.4 du CCAG Travaux » disponible en cliquant sur ce lien.
[3] L’article 50 du CCAG Travaux de 2009 est devenu l’article 55 dans le CCAG Travaux de 2021.

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