Envoi du mémoire en réclamation : Attention à ne pas oublier le maître d’œuvre !
Publié le :
06/03/2024
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Note sous CE, 2 février 2024, Société Valenti, n°471122, aux Tables
Dans cette affaire, une société attributaire d’un marché de travaux avait demandé au Tribunal Administratif de Châlons-en-Champagne, d’une part, de fixer à 1 868 544,47 euros TTC le montant des sommes qui lui étaient dues au titre de son marché et, d’autre part, de condamner le maître d’ouvrage à lui verser une somme de 271 300 euros TTC au titre du solde du décompte général.
Sa demande avait été rejetée par le Tribunal Administratif puis la Cour Administrative d’Appel de Nancy au motif qu’un décompte général et définitif était intervenu, faute pour la société d’avoir transmis son mémoire en réclamation au pouvoir adjudicateur et au maître d’œuvre dans le délai de 45 jours prévu à l’article 50.1.1 du CCAG Travaux de 2009.
La société requérante s’est donc pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.
La Haute-Juridiction était ainsi amenée à se prononcer sur l’application de ce délai de 45 jours imparti au titulaire pour transmettre sa réclamation au pouvoir adjudicateur et au maître d’œuvre.
Après rappelé les articles 13.4.4 et 50.1.1 du CCAG Travaux de 2009, le Conseil d’Etat indique qu’il résulte de ces dispositions que « dans le cas d’un différend sur le décompte général du marché, le titulaire doit transmettre un mémoire en réclamation au représentant du pouvoir adjudicateur dans un délai de 45 jours à compter de la date à laquelle ce dernier lui a notifié le décompte général et en adresser une copie au maître d’œuvre dans le même délai. Le respect de ce délai s’apprécie à la date de réception du mémoire tant par le pouvoir adjudicateur que par le maître d’œuvre ».
► En l’espèce, le décompte général avait été notifiée à la société le 10 mai 2019 et le maître d’œuvre n’avait reçu copie de la réclamation portant sur le décompte que le 25 juin 2029, soit 46 jours après la notification du décompte général et donc au-delà du délai de 45 jours prescrit par l’article 50.1.1 du CCAG.
Le Conseil d’Etat a donc rejeté le pourvoi en retenant que le décompte général était devenu définitif de sorte que c’est à bon droit que les premiers juges avaient jugé que la réclamation de la société était irrecevable.
Cette décision mentionnée aux tables confirme que la transmission au maître d’œuvre d’une copie du mémoire en réclamation dans le délai prescrit au CCAG constitue une formalité substantielle dont le respect conditionne la recevabilité de la réclamation au contentieux.
Si le Conseil d’Etat ne paraît pas faire supporter la charge de la preuve de cette notification régulière sur le seul titulaire du marché, on ne peut néanmoins que conseiller aux entreprises de se ménager la preuve de la réception par le maître d’œuvre, à peine de forclusion de leur action.
Si cette solution paraît sévère au regard des multiples chausse-trappes de la procédure de règlement des différends prévue dans le CCAG Travaux, elle aura néanmoins le mérite de clarifier définitivement la jurisprudence car si la Cour Administrative d’Appel de Lyon avait déjà adopté une telle position (CAA Lyon, 6 octobre 2022, n° 20LY03286), le Tribunal Administratif de Lille avait pu considérer que l’absence de cette formalité n’était pas de nature à rendre le recours contentieux irrecevable (TA Lille, 8 février 2016, n°1306031).
Elle est au reste parfaitement conforme à la lettre du texte et se justifie aisément car seule l’information du maître d’œuvre – lequel est d’ailleurs généralement chargé de la vérification du projet de décompte final établi par l’entrepreneur – permet au maître d’ouvrage de se positionner sur la réclamation et d’établir la réponse à y apporter.
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